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Ziem - Marché à Marseille |
« Oh,
fils ! Viens par là, un peu. Tu es nouveau par ici ? »
Pour l’amadouer, l’homme tendit une figue
que le jeune engloutit aussitôt puis une autre et encore une troisième.
« Merci,
m’sieur.
— Et comment qu’tu t’appelles, dis ?
— P’tit Denis, m’sieur.
— Moi, c’est Cromar, et j’connais tout le quartier, même les bohémiens.
Qu’est-ce tu fais donc par la ville ? T’es pas d’ici, dis-moi ?
— Bin non.
— T’as d’la famille dans le coin ? »
L’adolescent se troubla, son visage s’assombrit. Cromar se redressa et mit ses poings sur les
hanches, une attitude qu’il a quand il a pris une décision.
« Bon, P’tit Denis, tu m’intrigues. J’veux savoir qui t’es. Tu
m’aiderais à guider mon barda jusqu’à l’auberge ? Je te paierai le double
des gosses du coin. »
Ils longèrent le port, traversèrent le
quartier du Panier. Le jeune garçon, tirant la charette, avançait en
claudiquant. Sa jambe droite décrivait un demi-rond tortueux, et cela donnait à
sa marche un rythme irrégulier.
« Tu m’as l’air affamé, fit Cromar
derrière lui. Tu nous viens de quel pays, comme ça ?
— Des montagnes, m’sieur. Le pays, je sais pas,
répondit l’enfant, en s’essoufflant aussitôt. Mon pays, c’est les montagnes, et
c’était surtout le paire.
— Le père ?
— Oui. Le paire et ses
copains.
— Qu’est-ce que c’est, c’t’histoire ?
— J’ai pas d’histoire à raconter, moi, gémit le môme. Que ma
vie. »
Jean Cromar promit un couvert en échange du petit récit de cette vie.
Le jeune balbutia quelque chose qui se perdit dans le vent et après une trotte
ils parvinrent enfin à La Calamarette,
l’auberge de monsieur Cromar, cachée dans l’ombre de la Major, avec sa façade
renaissance aux fines colonnes défraichies et son vieux bâtiment couvert de
fissures.
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Sainte-Marie Majeure à Marseille - Gravure |
Tant que son estomac ne fut pas comblé, P’tit Denis ne pipa mot,
allongeant bouchée sur bouchée, fiévreux, avec un coup de fourchette comme pour
charrier le foin. Cromar lui servit un bock de bière légère et un autre et lui
demanda ce qu’il faisait, tout seul, en ville, qui étaient ses parents, comment
il comptait vivre, etc. Sous cet assaut de questions, le garçon se tint
interdit. De fines larmes coulèrent de ses yeux inexpressifs. Puis il se mordit
la lèvre et dit : « Vous êtes gentil, on dirait. C’est pas comme
le paire…
— Bon, ton père… Il est méchant ?
— Le paire y f’sait paur…
— Peur ?
— Ouh, dis, un brutal, et ses copains aussi.
— C’est qui ses copains ? Ils vivent où ?
— Au jas.
— Une bergerie ?
— Oui, on vit loin de tout. Loin des villes. Loin des gens. Haut,
là-haut, les montagnes… Mé les motons.
— Ah… Tu élèves des moutons ?
— Le paire, lui, y m’a nourri
et m’a appris travailler dur. J’a pas eu d’mère… Le paire, c’était l’chef des bergers. Lui, y s’appelait Denis.
Personne dans les montagnes pour y dire le contraire de sa pensée. Parfois,
quand une des bêtes elle mourié, le paire Denis l’allait chez un voisin y
prendre une bête. Et si le voisin rouspétait, pouviez être sûr qu’on lui
trouvait le visage transformé aux poings du paire
et d’ses deux copains : Léon et André. Ces deux là, toujours chez nous, à
demander méchant de les faire rigoler. »
Jean Cromar soupira, se leva et tira d’une armoire un bâton de
réglisse qu’il tendit au jeune garçon. L’enfant prit le canif sur la table et
entreprit de le tailler en pointe. Un client le regarda et sourit bêtement.
« Bin qu’est-ce tu fais ?, demanda Cromar.
— Un… cure-dents, hésita P’tit Denis.
— C’est pour goûter », fit Cromar.
P’tit Denis arrondit les yeux.
« J’mange pas du bòsc…
— C’est pas du bois, c’est tendre et puis c’est bon. »
Cromar lui montra l’exemple, sortant un autre bâton de sa réserve, et
il le mâchonna. Mais on voyait bien qu’il préférait le tabac. P’tit Denis
l’imita et fut ravi. Il s’étonna que manger du bois pût être un passe-temps si
agréable. Ils mastiquèrent en silence, un temps, et Cromar lui demanda ce que
son père lui avait appris, s’il ne lui avait pas fait goûter la réglisse.
« Le paire Denis, et
Léon et André, juste ils faisaient travailler. P’tit Denis, ils y maltraitent
pis que bête… pour rire. Que des mauvais coups. Té, une fois par exemple, j’étais môme, le paire était parti à la pâture.
« Ou en promenade, sais pas.
« Léon et André y m’ont ficelé su’l’dos d’un moton et y ont commencé à l’agacer, à
lui taper pour qu’y galope un peu ! Que
paur ! La ficelle a blessé ventre et cou au pauvre P’tit Denis,
ah ! j’ai cru j’allais mouri.
Soudain le paire est arrivé. L’a vu
mon sang ! Oh ! y s’est mis colère, ouh dis ! et ils s’ont mis
tous les trois des grands coups les uns les autres. Puis y z’ont bu de l’alcool
ensemble, et z’ont ri. Le père y m’arrose mes plaies à l’alcool et il pisse de
rire. Tous les trois, ils pissaient de rire, de vrai, par terre dans la salle.
L’alcool brûlait, et j’criais et le père y comparait ça à uno cabro qu’on saigne.
Et y rient, et y rient… »
Le visage de Cromar s’allongea et il regarda dans les cheveux emmêlés
du jeune garçon. Il ne savait pas si c’était la réglisse ou la colère, mais ça
lui piquait le nez. Le garçon dévorait sa réglisse et ses paroles roulaient
avec la salive qu’il aspirait de temps à autre, bruyamment.
« N’avait pas grand’ chose dans nos montagnes, que des bêtes.
Les filles mourien jeunes ou
s’échappaient, paur des viols, et
z’allaient dans les villes. Pour s’distraire un peu, le paire et sa bande descendaient une ou deux fois l’an à la vallée,
en bande, ils attaquaient des fermes ou des convois. Voler les outils. Violer
des femmes ; les enlever des fois, aussi, pour les emmener dans les
montagnes.
« Y m’ont emmené faire ça, en bas. Y avait d’autres gens. Une
dizaine de gars de là-haut et deux jeunes gars : moi, P’tit Denis, et
aussi un autre, Abel, ou Abi comme ils l’appelaient. On avait les chiens, et
aussi deux bovins pour les provisions. Le convoi descendait, j’me souviens, la
montagne, en route pour la curée.
« J’y ai vu des hommes traiter cruel d’autres hommes. Pas moins
cruel que du bétail, pire, en fait. Le paire
Denis, Léon et André brutalisaient les aut’es bergers qui nous accompagnaient.
« Et eux y s’vengeaient sur les fermiers. Qu’un pauvre gars y
défende sa maison, ils y pendaient au heurtoir par les tripes. Rires avec.
« Toujours j’aime pas les rires, pour moi c’est : le
malaise des rires. Le rire des tueurs.
« Par surprise, on attaque, en nombre. Et allez. La seule
façon : tuer tous les hommes, tous les enfants. Puis y fait festin le soir
avec les bêtes de la ferme et après un autre genre avec les épouses et les
filles. Quand j’dis festin, c’est façon de parler…
« On m’a dit vas-y, fais-le, sous les cris de joie du paire… Il m’a fait prendre ma part. J’ai
le souvenir d’une fille de mon âge, mita
morto. Quand j’y pense, j’ai envie de sauter le roc. Boum.
« Après la fête, on part la nuit, poltrons, dépistés par les
gendarmes.
« Et après tout ça, t’imagines,
j’ai une haine contre le paire.
Je me mets à imaginer qu’il a violé et puis tué la femme qui m’avait mis au
monde, j’imagine une femme belle et douce, propre... Une femme de la vallée. Il
l’a grossie et, après ma naissance, il l’a tuée, parce qu’il s’ennuyait ou
alors il voulait jouer, comme s’il y écrasait une mouche, sur la table.
« Ah oui, autre chose : dans l’expédition dans la vallée,
je me suis fait un ami, donc. Abi, l’autre garçon. Dans la vallée, on dort
ensemble pour se réchauffer. On dit pas grand’chose. Des fois on compare la
distance des sauts. Des défis. Viser la tête d’une bête avec une pomme de pin,
grimper les rochers le plus haut. On compare nos muscles.
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J.R. Cozens - L'Aiguille verte |
« Deux fois, je fugue, je vais chez Abi, la nuit. Chaque fois un
tapage : mon père colère, il nous bat tous les deux et le père et la mère
d’Abi. Eux, à la deuxième bastonnade, ils se méfient et ils veulent plus trop
me voir, ils me font partir.
« Le paire Denis, pour
me moquer, m’appelle lo chato, la
fille, devant ses copains. Et des vilains tours, y m’font avec ses
copains, plus cruels que jamais : ils s’amusent à m’y mettre le fer chaud sur
les fesses, on m’fait dormir avec les bêtes, on m’y met du crottin dans les
cheveux…
« Le paire me
dit "il te faut des filles". Mais quand il dit ça, je revois la
fille quasi morte qu’il m’avait forcé à...
« Une fois seulement, j’ose maudire sur lui. Mais j’aurais
jamais dû. Il m’avait fait tomber du lit et il avait pris ma chemise. Il me
pousse du pied par terre et je suis tout nu. Il faisait si froid, le sol brûle
les mains, les pieds, les genoux. Mon corps tremble et ma bouche aussi, je peux
pas m’empêcher. Je grelotte comme campanette en vent ! Lui, il rigole, il
sent le vin et la pisse. Il dit : "va me chercher du lait chez les
voisins ! — Tout nu ? — À poil P’tit Denis ! Tu vas l’faire ou
j’te démolis." Je tremble, je
tremble, mes mains, mon cœur, ma voix, et je crie, je crache et j’essaie de le
frapper. Il rit. Je lui crache dessus. Et puis il me cogne, il me cogne, il me
cogne. Il me cogne et je prends des murs d’un côté de l’autre, et ma tête
s’enfonce dans mon corps, ou alors mon corps y s’enfonce dans ma tête. Et mes
jambes et mes épaules et mes bras, je sens tout et je sens plus rien. Et je
vois plus rien, j’ai l’impression je suis cassé.
« Les mois après, c’est comme si la neige fond sur mon corps et
je sens tous les morceaux de mon corps, ma tête grésille comme une toiture sous
la grêle, mes jambes, mes bras, c’est comme des petits troncs cassés ;
depuis, je marche plus très bien tout droit. Il m’a démoli. Avec ses poings et
ses pieds, de toutes ses forces.
« Et un jour, quand le père voit que je me réveille, il m’y met
des bouts de gras dans la bouche. Je suis allongé, je peux plus bouger, et il
m’insulte et il me dit je le fais chier. Il s’est fâché avec ses copains, à
cause de moi il dit. Chaque fois il emmène mes excréments, mais avant il me les
met devant mon nez et il me traite de déchet. Mon oreiller y est plein jus de
viande qu’il m’a fait couler sur la bouche quand j’étais gourd à cause des
coups. Je suis sale comme une bête qui meurt, et j’imagine mon visage est
informe et dur comme un rocher.
« Mais je commence à aller mieux, un jour je me lève, je veux
voir la montagne, la croix de l’Espère, la combe Saint-Genis… Le paire, y s’est mis à m’éviter. Il me
disait comme ça : "Si te
viéu trop sovent, t’escupiras la lente…" C’était pour dire : "je peux pas te voir, je supporte pas,
je vais te tuer, j’vais te faire cracher de l’herbe."
« Cette année là, les bergers partent encore en expédition de
violence. Sans moi. Ils me comparent à un fétu de paille… C’est vrai, j’vaux
plus rien, mes bras soulèvent plus rien. Abi vient me voir avant de partir. Il
pleure. Je suis triste pour lui, mais je pleure pas car moi je vais être seul
et je suis content.
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William Trost Richards - Alpine landscape |
« Et tous les jours elle revient. Elle me montre c’est quoi une
fille et si c’est chaud dedans. Moi, je… j’ai l’impression, je sais pas, je
pense à Abi, je sais pas s’il va bien, s’il sait comment je vais… mais je sens
avec Armide mon cœur s’ouvre très grand…
« Et puis, un jour on annonce les hommes reviennent.
« Alors, Armide me dit un secrèt,
un secret cruel. Mon cœur explose. Elle me dit le paire Denis et ses deux copains c’est pas des bergers. C’est des
bandits, en vrai. Ils ont tué mes parents et d’autres familles pour prendre les
fermes et faire croire c’est des bergers. Ils ont tué toute ma famille, mais je
peux pas savoir, j’étais un bébé. C’est des bandits qui font croire c’est des
bergers, des fermiers innocents. Tout là-haut, dans les fermes pour pas qu’on
vienne les chercher. Ils ont joué aux rois. J’avais jamais imaginé ça si bien.
Je voyais bien tout. Je voyais que le paire
Denis aime pas la montagne, il y dit des injures, il maudit, il crache sur la neige, il grogne, il dit
"toujours la même viande dégueu" devant le mouton ou la chèvre. Mais
je pensais c’était parce qu’il aime que les spectacles cruels. Mais en vrai, il
aime pas son nouveau pays, c’est un étranger, et en fait quand Armide me dit ça
je me rends compte que je savais déjà… j’m’en doutais… Il est pas de la
montagne et pourtant il ressemble aux ours ou aux loups, quand il gueule c’est
la tempête entre les montagnes, et sa voix y tombe sur mon dos comme une
cascade glacée, et… et il a une façon aussi, quand il est là y a plus de bruit
comme dans la neige qui tombe… Pour moi, la montagne le paire, c’était un peu pareil et en même temps c’était pas du tout
pareil. Et voilà… Armide me dit qu’il ment, qu’il est pas berger, qu’il est
juste un tueur.
« Puis, je sais : je vais lui faire cracher la lente.
« Il revient de faire la campagne, son rire
et sa cruauté encore au cou. Il rigole méchamment, il rentre pas tout à fait,
il est devant la porte, il me raconte la mort d’Abi et il essaye, y touche mes
cheveux. Il dit c’t’idiot s’est fait marcher dessus par un cheval… Il me
montre des yeux de paysans qu’il a mis dans un bocal, pour me consoler.
"C’est eux qui ont fait ça à ton ami. T’es bien vengé, P’tit Denis.
"
« Quand il dit P’tit Denis, je me demande comment je m’appelle en vrai. Il se met
à table, il boit. Il s’endort.
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G. Doré - Le Roi des montagnes |
« Le soir est pas encore tombé. Sommeil lourd, plein d’alcool, sa gueule elle sent comme d’un cabot qui crève.
« Je l’attache à son lit, avec des cordes.
Solidement. Et j’y réveille en coupant les tendons dans l’épaule. Il crie. Je
fais la deuxième épaule. Il dit des choses contre Dieu. Je vois il regarde
grand ses yeux. Il sait il est piégé. Ses bras peuvent pas bouger. Le sang
coule des épaules, ça fume avec le froid. Et je dis "je sais t’as tué les
bergers et mes parents." Ses yeux sont encore plus grands. Il est
complètement saoul. On dirait il est perdu dans la montagne et il sait pas où
aller. Il me regarde et il me voit pas. Il dit "tu peux pas me tuer."
« Puis il raconte tout. Comment il peut pas
tuer un bébé, mais c’est pas vrai je l’ai déjà vu tuer un bébé. Comment il
décide et il dit à ses copains je suis son fils. Son seul fils, il dit. Et les autres ils se moquent mais il leur
casse la figure. Et quand il raconte, moi bébé, et qu’il a voulu s’occuper de
moi, j’ai pitié pour lui et pour moi. Mais je pleure que pour moi. Je veux pas
le détacher. Je vais me coucher, et mon cœur bat fort et bizarre. Je vois la
nuit est claire sous la porte et par les volets. J’entendais le paire Denis bouger et pleurer. Puis
j’entends Boum ! Il est tombé sur le sol. Où il y pissait de rire avec ses
compagnons.
« Le lendemain matin, il est mort. Et je sais pas quoi faire. Je
sors et je rentre dans la maison. Je me dis je pourrais essayer d’aller voir
Armide… À un moment je cherche dans les affaires du paire et je trouve une lettre. C’est écrit, tiens, regarde… »
Et le garçon tira d’une poche à moitié décousue un papier chiffonné
qu’il présenta à l’aubergiste :
Jérémi,
Tu dira aus austres quy fau
pu chercher a me voeir et surtou pa me trouver.
J’va voeir dan la montane si
l’erbe est y plu verte et me fair un peu oublié.
Dis y à papa que je pourai
pas revenir avans des anné.
Danis Brémon,
Fils de Matiéu Brémon
Cromar lut la lettre en silence. Il avait la gorge nouée à cause du
récit du garçon et s’il levait la tête et qu’il voyait le visage si doux et
humble de P’tit Denis, sa pomme d’Adam se renfonçait un coup dans son gosier.
Peut-être que si les deux clients repus, cuvant leur vin et roupillant
docilement dans leur coin, ne s’étaient pas ainsi attardés, il aurait versé
quelques larmes.
« C’est écrit quoi ?, demanda P’tit Denis.
— Hm. C’est l’écriture du père Denis. C’est signé. C’est une lettre
qu’il n’a pas donnée à celui à qui elle était destinée. Il dit qu’il va
chercher à se faire oublier. Il dit que « les autres » ne doivent pas
essayer de le retrouver… Il doit parler d’une bande de brigands, et ça doit
dater d’avant ton adoption, si je lis bien entre les lignes.
— On peut lire aussi entre les lignes ?
— Hmmm, c’est une façon de parler. Mais raconte-moi la fin de ton
histoire, P’tit Denis. Comment t’es venu jusqu’ici ?
— C’est Armide. On veut se fiancer. On veut voir la mer. Alors on y
marche. Jusqu’ici.
— Eh bin. Et tu es en ville avec Armide ?
— Oui.
— Vous dormez où ?
— Belle étoile.
— Bon, mon gars, moi je ne veux pas que tu dormes à la belle étoile et
que ta copine dorme dehors. Il y a des rustres dans les villes, aussi. »
Une casserole en cuivre tinta derrière eux, dans la cuisine, et
Cromar se tourna vers la source du son.
« Ô Pierrette ! Ton frère, il a toujours son hangar,
derrière la Joliette ?, s’enquit-il si fort que les deux clients assoupis
sursautèrent.
— Oui, oui… »
L’un des clients était maintenant pris de hoquet tandis que l’autre
riait sous cape de son affaire de hoquet, montrant de belles gencives édentées.
« Et ça ne le dérangerait pas que deux petits y vivent un peu, le
temps de retomber sur leurs pieds ?, reprit Jean Cromar.
— Bonne mère, je crois pas, dis. Faudra lui demander.
— Tu peux le faire cet après-midi ? Je vais envoyer le garçon
chercher sa fiancée et après on rangera la cambuse. Ce serait bien, non, que
ton frère fasse ça pour deux petits que le destin n’a pas
épargnés ? »
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