jeudi 12 juin 2008

Ce qu'il m'arriva dans une baignoire sabot avec un savon très très glissant

La baignoire sabot est un objet relativement rare.
Dans certains appartements, certaines maisons où la salle d'eau est trop petite pour héberger une baignoire, certains propriétaires à l'esprit tourné différemment du commun des mortels décident d'engoncer dans l'espace idoine une baignoire plus courte que la normale — que n'ont-ils pas installé une douche comme tout le monde!

La baignoire sabot, pour ceux qui n'en ont jamais vu, est une baignoire de petite dimension dans sa longueur, mais assez haute, excavée selon une forme de fauteuil en son intérieur. Le baigneur y est donc assis, et peut laisser la pente d'une décontraction pleine de morgue modeler sa silhouette d'homme ou de femme saisi dans la station de lecture ou de pensée ou encore de repas — à la nuance que la nudité ôte un peu de la superbe de la station assise et réciproquement.
La bonde se trouve aux pieds du baigneur et le robinet est face à lui. Une fois assis dans la baignoire sabot, l'enceinte nous parvient à peine au niveau des aisselles. Si l'on souhaite remplir la baignoire, l'on pourra avoir de l'eau jusque sous la poitrine. Il est à noter qu'on ne peut se mouiller les épaules qu'en s'aspergeant ou en se livrant à une gymnastique absconse. Un bain chaud, s'il détend aimablement le bas du corps, laisse le haut tout frissonnant.

Or, voilà donc que je me trouvai dans un appartement, dans les Pyrénées, doté de l'équipement que je viens de vous décrire avec application. Je décrirai ma baignoire avec plus de détails encore car il s'agit de vous bien pénétrer de l'événement qui advint alors que j'étais dans la pleine vigueur de mon adolescence. En ce temps-là, l'onanisme aquatique n'était pas la plus honteuse de mes préoccupations : je tiens l'anxiété de mon narcissisme pour plus délicate encore. Mais cette fois, j'étais en famille, aussi m'abstenais-je douloureusement de certains épanchements ; j'y pensais beaucoup, je me retenais tristement.
Assis et nu dans cette baignoire, je pouvais constater les penaudes parties appuyées contre l'émail. En cet endroit le siège s'incurvait vers le haut, faisant une retenue d'eau qui s'écoulait par une petite rigole centrale. Un individu plus joueur eut pu colmater cette rigole de son scrotum. Mais j'étais bien trop éreinté par une journée de ski, aussi mes facultés me laissaient-elles à peine entrevoir ce genre de fantaisies. Je me douchais ; l'eau chaude frappait mes épaules, éclaboussait intermittemment l'alentour confus. L'eau, en cascades sur mon dos et contre la pente de la baignoire ruisselait, entourait mes reins et plongeait en une légère cascade jusqu'à mes pieds. Il n'y avait qu'à contempler, à se transporter à Iguazù, aux chutes Victoria ou à celles du Niagara... Hébété, j'entrepris de me saisir d'un savon. Or ce savon n'était pas devant moi ; le fourbe était tapi derrière, dans un recoin mouillé. Me contorsionnant, je cherchai à m'en saisir, mais il m'échappa. Il tomba juste à l'aplomb de la pente qui plongeait vers mon arrière-train. Prenant la pente tel un bobsleigh véloce, il accéléra projeté par la force centrifuge. Obsédé par l'idée de m'en saisir avant qu'il m'eut heurté, je me soulevai du siège, l'une de mes mains en chasse du perfide, lourd et agile savon. Ce fut l'instant pile où le savon passa sous l'une de mes fesses, fila en aquaplaning vers la retenue d'eau qui se transforma pour lui et sous l'effet de la vitesse vertigineuse qu'il avait acquise en tremplin : le savon sauta, leste comme aucun savon avant lui, et vint heurter de toute sa prestance de patineur dans le double sac qui eut si bien colmaté la brèche du barrage de la baignoire sabot. Le propriétaire de ces attributs, moi-même en cette malencontreuse circonstance, et je suis persuadé que ce danger guette de nombreux possesseurs de semblable équipements (je laisse ici toute positive ambiguïté : baignoire sabot, mâles attributs), le brave et maladroit garçon que j'étais en fut tout surpris et tout endolori.

mercredi 4 juin 2008

Roi Heenok à Sevran, t'entends ?


Tiens, j'ai pris cette photo dans une cité de Sevran — la plus grosse plaque-tournante de drogue de tout Paris...
Sortant de la station de RER, l'homme se trouve face à des abribus désolants, des bornes en béton grignotées par la pluie ; et là, en pleine gare routière, un ruffian en motocross fait des wheelings au milieu des piétons.
Le farwest à vingt minutes de Paris.
Le pied-tendre se retourne pour appréhender d'éventuels dangers, un tour d'horizon du regard, et, derrière lui, sur des cabines téléphoniques dévastées, il aperçoit des pubs pour le roi du Hip-hop québecois...

Tu le sais : tu es dans un monde perdu, où plus rien de bien ne peut arriver, où le soleil ne risque pas un seul de ses rayons, de peur de les salir...
Voilà pour ma contribution aux clichés sur les cités.