mardi 12 mai 2009

Portrait d’Augustin Roussette aux calanques, par Evariste Guidoni

C’est en passant, début mai, devant une fameuse galerie d'art de la rue de Seine que mon regard a croisé un tableau remarquable. Toutes mes facultés furent saisies dans l’instant ; et je me trouvai tel un chien d’arrêt le nez collé à la devanture de la galerie.
Derrière la vitrine, enserré dans un cadre de bois travaillé et doré, mon ami Augustin Roussette regardait, par delà les falaises de Cadix, un horizon assombri par la tombée du jour ; le feu du soleil couchant jouait dans ses longs cheveux et ses bacchantes fauves, son visage mat et sombre se découpait de profil sur un ciel indigo, son œil gauche, clair, étincelait dans l’obscurité. Une impression de surgissement tellurique émanait de l’homme de gouache, de pastel et de fusain. Les longs filaments d’or qui couraient sur ses cheveux et sur le dos de son paletot de marin faisaient l’effet de projections de lave sur une statue immobile, attentive au monde. Depuis ma bande de trottoir, de l’autre côté des nombreuses épaisseurs de verre de sécurité, j’entendais les cigales et le bruissement d’une brise du soir dévalant les garrigues et apportant à la mer et au poète les senteurs suaves et piquantes de thym et de lavande. Toujours Augustin Roussette se tenait dans l’immobile concentration du compositeur ; tout autour de lui bourdonnait et se développait le chant de la nature si bien suggéré par le peintre. Il me sembla un instant qu’un sourire s’attardait à sa bouche, mais l’on distinguait mal le trait dans l’ombre du visage.
Mes mains laissèrent sur la vitrine, dans un reflet soudain de soleil, des traces détaillées de ma stupéfaction.

1 commentaire:

Augustin Roussette a dit…

Augustin Roussette avait un sourire aux lèvres, effectivement. Et il n'a pas manqué de vous voir, riant intérieurement (comment faire autrement ? tout juste pus-je légèrement craqueler la gouache par la force de mes nerfs zygomatiques pour esquisser le dit sourire !) de l'ahurissement qui baignait votre trombine !